vendredi 10 décembre 2010

10/12 Crêtes du Trieves (2 jours)

Il est 19h. Je roule, je vois défiler Laffrey, La Mure, Mens ... Je me pose beaucoup de questions ! Y aura-t'il trop de neige pour que je puisse suivre l'itinéraire prévu ? Les chiens vont-ils supporter une nuit sous l'auvent de la tente sans tapis de sol ? Où vais-je garer la voiture pour ne pas faire des kilomètres de route à la fin de la boucle demain ?
J'avais repéré que depuis le col de Mens, je pourrai prendre en photo les crêtes pour en voir l'enneigement. Il suffirait d'une pose longue à l'appareil photo et le tour serait joué ... Après Mens, j'arrive à la bifurcation du col ... route fermée ! Et merde ... le petit croissant de Lune va bientôt se coucher, en faisant le tour et en cherchant où me replacer, il sera trop tard pour savoir si il y a un problème avec la neige ...

Vu la météo des derniers jours, mon bon sens me dit qu'il ne doit pas rester beaucoup de neige et que je peux monter de nuit sans problème sur les crêtes.
Je rejoins donc les hameaux de Tréminis... Je gare la voiture sur la route menant au "Pique-Nique du Grand Ferrand". Je ne vais pas au bout et me laisse donc deux/trois kilomètres à faire pour m'échauffer avant la montée. Je démarre donc à pieds vers 20h15, la nuit est noire !



Je ne suis jamais serein en randonnant la nuit... Les chiens sont rassurants mais très têtus : ils veulent absolument aller un peu plus loin que ce qu'éclaire ma frontale ... Je ne sais pas ce qu'ils voient mais il n'est pas question qu'ils s'éloignent ! Si ils détalent je me retrouverai tout seul à beugler sans savoir après quoi ils sont partis !

La montée commence après le pique-nique : un refuge spacieux fréquenté comme d'habitude par des amateurs de graffitis ...


Je grimpe dans la forêt en suivant le chemin tant bien que mal. De nombreuses routes forestières serpentent un peu partout et il est facile de louper les panneaux dans le noir. Vers 1250m, je ne retrouve plus les virages du chemin sur ma carte. Je continue quand même, cherchant des pistes allant dans une meilleure direction ... Je me dis que ce n'est pas bien grave, si je suis crevé, je n'ai qu'à planter la tente dans le chemin et j'y verrai plus clair demain.

Je finis quand même par retrouver la bonne route. Le temps semble s'écouler tout doucement, car j'ai l'impression de traîner. De petits zig-zag de la route sur la carte semblent prendre un temps fou. Je marche sur de la neige qui a durci sur le chemin, C'est fatigant car les pieds dérapent. Je suis crevé, il est 22h.
Enfin, je débouche dans l'alpage et je tombe immédiatement sur la bergerie. Je suis trop fatigué pour rejoindre les crêtes et je m’arrête donc là. Je visite les lieux et hésite à planter ma tente au fond du hangar. Finalement je la plante juste devant la bergerie à l'abri du vent qui souffle fort hors de la forêt.


Le double toit de la tente ne touche pas le sol, j'avais oublié ça ! Les chiens vont donc être en plein courant d'air s'ils dorment dans l'abside ... Je tente donc de les faire rentrer dans la tente pour qu'ils s'installent pendant que je mange ... Grosse erreur ! Dust s'excite comme un fou, affolé d'être à ma hauteur, il se roule dans tous les sens et éparpille de la neige partout ! Rapidement le fond de la tente est trempé et je me dis que ce n'est pas une bonne idée de mouiller les plumes du duvet ...
A la fin du casse-croûte j'abandonne l'idée de la tente et me réfugie dans la bergerie qui a une partie ouverte. Une ration de croquettes pour les chiens et dodo ! Il est 23h20.
J'y passe une assez bonne nuit, avec comme d'habitude une satanée envie de pisser qu'il est hors de question d'aller satisfaire par -10°C dehors ...

Debout !
Hop, j'avale un sandwich au pâté et un twix et c'est reparti à 7h20 ! Dehors c'est la tourmente. Un brouillard épais traverse l'alpage comme une furie, il fait -12°C au thermomètre.
Je rejoins le col de la croix...

Y'a t il eu une soirée mousse par ici ?
 
Y a t'il une croix ? Aucune idée ! Je ne traîne pas, j’enchaîne plein ouest avec la crête de la "Montagne de Paille". Quelle idée de faire un itinéraire en crête sous en tel déluge ? Le but est de rejoindre la "Pointe Feuillette" pour le levé du soleil à 8h20. De là je devrai admirer la sortie de l'astre dans le "Col des aiguilles" ... si le brouillard veut bien se dissiper ! J'ai prévu de suivre les crête faisant la frontière entre l'Isère et la Drôme, du col de la croix au Rognon.
Les chiens me suivent gentiment, à leur manière. Je ne sais pas s'ils se bagarrent pour se tenir chaud ou simplement parce qu'ils aiment ça ! Ils ont l'air de supporter assez bien les conditions climatiques pourries !



Je bute contre une petite barre rocheuse qui descend de "La roche". Tiens donc ? Je la contourne par le bas en traversant une zone de neige durcie bien casse gueule mais pas raide. J'arrive au "Col Lachaup" et fini la montée à la "Montagne de Paille".
  


Pas de miracle météorologique pour le moment, je me fais toujours autant souffler dessus, les chiens commencent à givrer.
Il fait -13°C...
 

Il faut vraiment qu'ils m'aiment je crois ...


Les rochers et les clôtures semblent tout droit sortis du pôle Nord.

 
Des plumes de givre de plus de 40cms surlignent les poteaux des clôtures... Je commence à douter ... Les chiens sont tout blanchis, et ressemblent à des vieillards, le vent est trop usant ... si je continue j'aurai encore plusieurs kilomètres de crête à faire ... Le soleil ne semble pas prêt de percer !






Tant pis je continue jusqu'à l'antécime de la "Pointe feuillette". J'arrive trop tard pour le levé de soleil il est presque 9h ... J'avance doucement ! Une heure et demie pour faire 3 kilomètres.
De toute manière je nage toujours en plein brouillard ! Je suis à 1850m, le sommet est à 1881m au bout d'une crête en impasse : ça devait être le point culminant de mon itinéraire ! J'abandonne l'idée d'y aller pour avancer au plus vite. Nous restons donc dans la purée de pois à nous faire givrer comme des manchots !


Prendre des photos est devenu très compliqué. La batterie gèle lorsqu'elle est dans le reflex ! Je dois réchauffer la batterie dans ma poche quelques minutes, l'insérer dans l'appareil en me battant avec le petit verrou et mes gants, et enfin essayer de prendre une photo dans les quelques secondes restantes avant qu'elle ne regèle ... La lentille de l'objectif se couvre très rapidement d'une fine pellicule de glace et de givre, je dois la retirer toutes les cinq minutes ...


Nous longeons la crête de la "Montagne de France" ... je ne trouve pas ça très représentatif de la France ! Je rejoins le ressaut à 1873m, le plus haut du jour ... et nous continuons toujours dans le vent givrant ...



 
Après le "Col de Jajêne", j'ai un doute. Je viens de grimper sur une bosse, toujours en suivant la crête et ensuite cela redescend plein Nord. Quelque chose ne colle pas ! Je regarde la carte et la boussole et ce n'est pas bon ! Plein nord ça descend raide dans la forêt et il ne faut pas que j'aille par là. Derrière moi j'en viens ! Ce n'est pas le moment de se louper ! J'ai marché trente minutes depuis la "Pointe Feuillette". Je commence à stresser, je me dis que les chiens doivent m'en vouloir de les avoir amené dans cette merde ! Si je dois faire demi-tour j'en ai pour deux heures à rejoindre le refuge, je suis censé n'avoir plus "que" deux kilomètres à faire avant une possibilité d'abandonner les crêtes. En gros ça fait une heure de marche à ce rythme. Je regarde la boussole qui me dit de revenir en arrière. Je m'y fie, persuadé de perdre de mon temps, mais sans aucune autre solution à proposer !
Je me rends finalement compte que j'étais sur une sorte de jonction de crêtes à trois cotés ... Forcément tous les cotés se ressemblent dans le brouillard. Je suis donc en train de continuer sur la "Montagne de Jajêne"... "Montagne de la géhenne" aurait mieux collé à la situation ! Apparemment je vais dans la bonne direction, c'est déjà ça !


D'un coup, j'arrive au bout du brouillard ! Enfin !



Le paysage qui se dessine me remplit de joie ! J'ai nagé des heures dans un monde tout blanc alors la vue me semble grandiose ! Je suis sur la bonne route...
Les pentes sont grises, on dirait les pierriers du Dévoluy voisin ! Mais ce sont simplement des prairies complètement givrées à perte de vue.




Je ne suis plus pressé, avec le soleil le moral est remonté en flèche. J'aperçois un randonneur au loin, au niveau du "Col de Chante". Il a l'air parti pour monter au "Rognon" où je suis censé aller plus tard...
Pour le moment je descend de la "Montagne de Jajêne", secoué par des rafales de vent terribles qui me déstabilisent régulièrement.
Les chiens se régalent, à présent ils courent dans l'alpage comme des fous. Le soleil les fait dégivrer, c'est le bonheur.


Au détour d'une bosse, Bixy se fige sur un promontoire ! Cela m'alerte et je choppe rapidement Dust avant qu'il ne repère ce que Bixy a dû apercevoir. Lorsque mon regard dépasse la crête, une harde de 12 beaux chamois nous observe à une cinquantaine de mètres ! 
Je dois m'époumonner pour que Bixy débloque son regard et accepte de revenir vers moi ! De toute manière nous sommes grillés pour une approche photographique furtive. Je finis par attraper Bixy, mais impossible à une main de changer d'objectif pour mettre le 70-200 ! C'est au grand-angle que je photographie donc la harde qui me passe devant en courant !



C'est magique ! Ils défilent devant nous, Bixy pousse des petits cris, Dust tire comme un cheval et moi je prends pleins de photos à une main tant bien que mal !




Nous les regardons s'éloigner, et j'attends que l'excitation des chiens retombe pour les lâcher et repartir.


Je laisse de coté l'ascension du "Chevalet", ça sera pour une autre fois ...


- 8°C ? Il fait bon avec le soleil...


Une fois au "Col de Chante", je dois faire un choix. Soit je monte au Rognon, soit je redescends à la voiture. Un bande de neige de plusieurs mètres de large coupe la pente permettant de rejoindre la crête montant au "Rognon". Je me demande si ce n'est pas un peu casse-gueule d'aller essayer de la traverser ... Il est à peine 10h30 et je trouve cela dommage de rentrer tout de suite.

Un coup d'oeil en arrière vers les crêtes que je viens de parcourir.


Je choisis finalement de longer le pied de la crête du Rognon dans un décor en noir et blanc un peu étrange...




Je traverse des passages de neige durcie et pentue où je dois creuser des encoches pour poser l'angle de mes chaussures. Cela me vaut une bonne engueulade avec Dust qui ne comprend pas qu'il me gêne lorsque je suis dans cette position périlleuse et qu'il me saute dessus...

J'aperçois quelques chamois dans cette zone, mais ils gardent leur distance ...



Je finis par arriver au col entre le "Rognon" et le "Sommet de l'Aup". Je suis fatigué et une fois de plus la motivation de faire un sommet s'évanouit dans les bourrasques de vent !

Vue sur le Grand-Ferrand


Je suis loin de la voiture. Elle est garée dans le vallon du "Pique-nique" qui est au delà d'un premier vallon - le Rousset - qu'il me faudrait traverser, remonter de l'autre coté et redescendre à la voiture ! Bref, je ne suis pas arrivé ! Une autre solution un peu plus longue, serait de rejoindre la jonction de ces deux vallons -le hameau "Château Bas"- pour revenir par la route à la voiture. Cette solution me tente plus car je n'aurai pas à chercher un passage au pif dans la forêt...
Un panneau indique Chateau-Bas à plus de 10 kms ! Je n'en reviens pas, sur la carte cela fait 5 kilomètres grand maximum. Persuadé que le panneau se trompe et que l'IGN est infaillible ... je pars pour Chateau-Bas.


La vue vers le Nord se dégage et toute la pleine du Trièves s'éclaircit. Je me trouve un rocher pour m'abriter du vent et pique-niquer rapidement. Les chiens regardent le paysage et profitent de la seule pause de la journée pour faire une sieste de dix minutes.

Vue sur la croix du Rognon

La face Nord est complètement givrée.

Les toutous devant le Mont-Aiguille et le Grand Veymont.

Je descends ensuite dans la forêt et redécouvre ce qu'est l'absence de vent !



Les forestiers on pas mal bourlingué avec leurs tracteurs et leurs tronçonneuses dans le quartier !



Je ne trouve pas les virages qui sont sur ma carte ... rapidement je me résigne à suivre les marques jaunes sur les arbres... Au bout d'un moment, je suis bel et bien assuré de faire mes 10kms pour rejoindre Chateau-Bas ... j'ai loupé une bifurcation qui a dû disparaître ...
Le chemin m'amène tranquillement, par une route forestière peu pentue, jusqu'au fond du vallon "Rousset".


Au dessus de moi, je vois le "Sommet de l'Aup" qui crache quelques nuages chargés de neige ...

 
L'Obiou, méconnaissable depuis ce versant !

Le sommet de l'Aup.

Je commence à en avoir marre et décide de couper pour descendre plus rapidement. Un beau sentier longe un torrent... je m'y engage. Au bout de dix minutes des barbelés me barrent la route. Crevé, je quitte quand même mon sac et mon bordel pour passer en dessous et je me retrouve dans un jardin avec une caravane. Je m'énerve lorsque je vois qu'il faut franchir de nouveau des barbelés pour sortir. N'ayant pas envie de quitter mon bordel une seconde fois, je tente de passer par dessus. L'attache du fil barbelé se casse, le poteau sur lequel je m'appuie tombe et je me retrouve à plat ventre sur le fil avec la main coincée entre les piquants et mon ventre.

Aïe ...........

Je m'en sors avec seulement une bonne griffure profonde sur deux doigts, ça saigne un peu mais ça va ...

Je n'en peux plus, et n'ai pas le courage de grimper la colline séparant les deux vallons alors je rejoins Chateau-Bas par la route, achevant les 10 kms ...

J'aurai trouvé plus approprié de croiser ce panneau ce matin ...


L'altitude plus basse rend l'ambiance plus clémente !


Bixy ramène un lichen en souvenir !

Il ne me reste qu'à remonter le vallon du pique-nique pour rejoindre la voiture. J'ai bien fait de ne pas garer la voiture au bout... Je profite du panorama sur l'Obiou et le Grand Ferrand que je n'avais pas vu hier soir ...
Peu avant la voiture, les chiens se mettent à tirer ! Je regarde moi aussi mais ne voyant rien je leur dit de se calmer. Rien n'y fait ! Ils ciblent quelque chose en tirant ! En avançant je finis par apercevoir un gros renard qui chasse devant des taupinières. Je m'avance doucement et j'en fais quelques photos avant qu'il ne nous repère et s'enfuit ! Merci Dust de l'avoir repéré !

Le royaume des taupes !




Un gros soulagement en arrivant à la voiture ............. 26 kms et 1300 m de dénivelé dans les jambes ...


Quelques photos prises sur la route du retour.

Le Grand Ferrand dominant le vallon de Tréminis.

Les grands du Vercors.

Toujours le même.

Les contreforts Nord du Jocou, pour une prochaine sortie surement ...

5 commentaires:

MichaelGirerd a dit…

Bravo l'Esquimau !

Non sérieux ça doit être sympa 30km par -30°!!!

Je sais pas si Julia te laissera sortir les chiens la prochaine fois!

nb: On vient de s'offrir le toponeige Chartreuse-Bauges (topo de ski)...On pourra trouver des sorties compatibles raquettes et ski comme ça!

Sophie Pasquet a dit…

Génial ta photo du renard ! j'en ai jamais vu, et le renard polaire est un de mes zanimal préféré ! chapeau bas en tout cas, 29 bornes par ce temps faut le faire.. a bientot pour des trucs plus cools voire au chaud..

Xavier V a dit…

Salut vous deux !

J'ai bien mis 3 jours à me remettre de cette sortie, et je ne me vois pas encore remettre ça. Je suis gelé à l'idée de me retrouver de nouveau soufflé dans un froid pareil...

J'avais déjà croisé pleins de renard en rando, soit la nuit, sois en coup de vent dans la forêt (un jeune renard en chartreuse une fois, un peu plus longtemps). C'est la première fois que je pouvais en observer un de jour et le photographier correctement, j'étais trop content ! Aucun regret de n'avoir eu que le 70-200 et non le 300, ça m'a épargné 1.3 kilos qui n'auraient quasiment pas servis ...

Je pense qu'on pourra se croiser d'ici pas trop longtemps, on en reparlera par mail.
A bientôt les savoyards !

Unknown a dit…

Bon ben je comprend mieux ta fatigue pour mon déménagement, je viens de lire ton périple, et encore une fois, je pense que tu es barge ! :)
De cette ballade, je pense que tu vas t'en rappelé longtemps... ce qui m'a le plus frappé : la tête des chiens tout givrés !
biz
A+

Xavier V a dit…

Je ne suis pas barge ... j'aime juste ce genre de situations loin de tout.

Ouai ils ont une pure tête !

Je pense remettre ça dans pas trop longtemps mais ce n'est pas encore défini ... Il me faut ma nouvelle tente pour dormir avec les chiens !