jeudi 30 décembre 2010

31/12 La blatte (2 jours)

Pas de bestiole répugnante en vue en cette fin d'année ! "La blatte" est juste le nom d'un hameau au fin fond d'une petite route au bord de l'Aubrac.
A chaque fois que je suis en Lozère chez la belle-famille j'ai envie de faire au moins une grosse sortie. La dernière fois j'avais rejoint le relais des lac depuis Le regourdel, cette fois ci je préfère une boucle autour de la Blatte ...

Mon beau frère est partant pour m'accompagner l'après midi du 30 décembre, et moi je prends de quoi dormir sur place. Nous partons à deux voitures et en posons une au bout de la route, puis nous revenons 5 kilomètres en arrière pour commencer notre randonnée. Je connais ce point de départ, je suis déjà venu chercher des champignons par ici avec Julia le 18 octobre !

Nous démarrons donc près du hameau "le sauvage" et descendons tranquillement dans la "Coumbe del faou". Les grands paturages sont déserts, tous les bovins sont à l'étable. Heureusement, car je n'aime pas bien tester la cohabitation entre les chiens et les vaches ! Seul Dust nous accompagne, Bixy étant blessée.

Comme d'habitude dès qu'il y a un truc dans un champ il faut que j'aille voir ce que c'est. Mon beau-frère est très conciliant et vient voir avec moi.

Je m'imagine utiliser un abri semblable pour passer la nuit, mais le sol est quand même inégal et cela risquerait de ne pas être très confortable ... Néanmoins, ça serait un bon endroit pour s'abriter ou manger...
Nous continuons à descendre et arrivons au fond du vallon de la Briourière. De très vieilles baraques trônent en quelques endroits boueux de ce vallon. Guilhem m'explique que c'est dans une bâtisse de ce genre qu'ils ont fait une séance photo pour des meubles et que la charpente peut être chouette.
Nous rentrons donc en visiter une et c'est vrai que c'est pas mal !
Là je me dis que ça ferait un chouette endroit pour dormir, sur la paille ... mais bon j'ai pris ma tente, et je compte bien l'utiliser cette fois ci !

... le bout de bois, c'est juste le manche d'une fourche plantée dans une botte de foin  ...

Au rez de chaussée, c'est pour les bestiaux, absents en ce moment, et une petite pièce attenante pour le berger avec une petite ouverture pour observer le vallon alentours ...
On voit au fond une baraque dans le genre de celle où nous nous trouvons !

Nous pourrions continuer dans ce joli vallon à pâturages jusqu'à "La blatte" mais ça serait trop monotone et simple ... Nous basculons donc sur l'autre versant, et entamons la remontée d'une sorte de coupe-feu plein de buissons !
Il doit s'agir d'une coupe à blanc d'une bonne vingtaine d'années. La carte que j'emmène présente très bien cette tranchée, sans tenir compte de la repousse, alors qu'un fond de carte plus ancien n'y voit que de la forêt...
La zone semble très fréquentée par les chevreuils et les cerfs... Nous apercevons d'ailleurs une chevrette... Pas le temps de mettre un téléobjectif, elle est déjà partie... comme d'habitude !

Guilhem a un GPS sur son téléphone. Nous l'utilisons pour essayer de trouver à quel moment nous devons quitter cette tranchée qui grimpe la colline. Vers 1250m, plus à l'ouest caché dans la forêt il y a un sentier qui vient vers nous mais qui s’arrête net à 200m de la tranchée ! La nuit commence à tomber il nous reste une demi-heure avant de devoir allumer la frontale.
Nous montons au delà de l'altitude du sentier, en cheminant à travers d'énormes blocs de granit où Dust grimpe pour voir le monde d'en haut !


Nous nous enfonçons alors dans la forêt à travers les branchages. Je refile à Guilhem le matelas mousse
destiné à Dust pour qu'il ne se fasse pas griffer par les branches et nous filons en mode "sangliers" plein ouest ! L'idée est de faire un peu plus que les 200 mètres et de descendre ensuite droit dans la pente pour tomber forcément sur le chemin.
La forêt est dense et il est difficile de tenir une ligne de niveau. Nous avançons lentement et la luminosité va décroissante ... Sous les conifères je commence à ne plus rien y voir ! Au final nous faisons presque 500 mètres sans descendre mais cela fait l'affaire : nous retombons sur un sentier qui n'est pas celui de la carte mais qui nous emmène à la route forestière qui rejoint la Blatte.

Au hasard de cette route, je me prends une bonne gamelle en glissant sur la glace... Super ... j'ai des écorchures à deux doigts et je fous du sang sur ma carte ... Elle commence d'ailleurs à rendre l'âme. L'humidité est telle que le papier sur lequel j'ai imprimé le bout de carte devient tout mou et se déchire comme un rien.

Guilhem reconnait cette route qu'il a déjà parcouru en moto ou en vtt je ne sais plus ... il me dit qu'il va falloir franchir un gué... super, il fait presque noir, tout est trempé partout, et les ruisseaux étant bien pleins on peut s'attendre à se tremper les pieds !
Finalement le froid change la donne. Nous passons maladroitement sur le bord, en marchant sur des plateaux de glace extrêmement glissants... Guilhem glisse en enjambant le ruisseau entre deux plaques de glace, se retrouve à quatre pattes, et manque d'envoyer le matelas dans le ruisseau ... Nous passons tant bien que mal, mais avec un style un peu écorné ...

J'avais repéré sur la carte la présence d'une vieille mine de plomb argentifère non loin de la route forestière. Il fait presque nuit et nous ne voyons pas grand chose avec ma frontale dont les piles sont au bout du rouleau, ce sera pour une autre fois. Nous arrivons finalement à la Blatte... Guilhem monte dans sa voiture et je me retrouve alors seul avec Dust dans ce hameau d'allure sordide noyé dans le brouillard. La lumière des réverbères est sinistre... il est 18h.

J'emprunte brièvement le sentier du tour de l'Aubrac et je file ensuite sur les routes des champs allant vers "Las Taillades". La carte montre de nombreux ruisseaux et marécages, le sol est gorgé d'eau !
Je repère sur la carte un ancien buron où je pourrai planter la tente, mais je loupe la route qui y mène et je finis de me fatiguer en partant trop à l'ouest. Les prés alentours sont trop trempés, je décide de planter la tente sur un chemin secondaire barré d'une clôture quelques mètres plus loin.

J'installe la sous-tente plus courte que prévue, pour laisser plus de place à Dust sous l'auvent, et pour pouvoir me cuisiner un truc avec le réchaud sur le sol.

En fait je comptais sur cette sortie pour tester un vrai bivouac avec un chien. Le précédent s'était soldé par une fuite vers un refuge en abandonnant la tente dehors ...
Dust a du mal à comprendre qu'il n'est pas le bienvenu à l'intérieur ! Avec une jambe je le maintiens sur son matelas, avec les mains je cuisine sur mon réchaud à gaz, et de l'autre jambe j'éloigne la toile de tente qui bat au vent, pour qu'elle reste bien loin des flammes. Ca fait les abdos et les cuisses mais au moins je peux cuisiner à l'abri ! Quel plaisir de manger un Chili bien chaud !

Cette tente est trop basse et trop difficile à tendre, c'est inconfortable d'y rester assis.

Je finis par me coucher vers 19h30, et forcément je mets plusieurs heures à m'endormir ! Le thermomètre est légèrement positif dans la tente. Le sol est un peu en pente et du coup j'ai la tête en bas. C'est chiant ! Je me réveille vers minuit, le bassin endolori, mon matelas ne fait pas son boulot, j'ai les fesses frigorifiées car elles font contact avec le sol ...
Tout ça réuni me fait passer ma pire nuit de bivouac... je passe mon temps à tourner et me retourner ... à me choper des torticolis, a avoir froid au cul ou mal aux bras. Je jete un oeil à Dust de temps en temps, il semble apprécier son matelas mousse lui !

Vers 6 heures, je cède, je me lève pour assouvir cette satanée envie de pisser qui m'énerve depuis plusieurs heures... Une heure plus tard je range tout mon bordel et je décolle.

Aujourd'hui, je n'ai aucun chemin à suivre, je décide de décrire un arc partant de "Las Taillades", passant par le "Puech del trap" et terminant au "Puech de las souches" à travers champs. Il fait nuit, très humide, et apparemment je nage en plein brouillard !
Les champs sont détrempés. Au bout d'une demi heure je dois traverser un ruisselet qui semble bien anodin...

N'y voyant pas grand chose je pose mon pied en contrebas des mottes d'herbes et je me fais happer le pied dans la boue. Déséquilibré, je repars en arrière mais cela fait ventouse et je m'appuie de nouveau sur cette jambe. Je m'enfonce à mi mollet dans une boue liquide et gelée des plus horribles !!! Au second essai je m'extirpe de cette saleté pour de bon ! Cela me rappelle les histoires de vaches mortes ensevelies dans les marécages que j'ai lues dans le livre sur les burons d'Aubrac ... Ca me glace encore plus !!! Néanmoins je ne peux pas rester là à regarder ce ruisselet et je veille donc dorénavant à ne marcher que sur les mottes d'herbes.

J'entame alors un long cheminement dans les prés, tombant de temps en temps sur une clôture à franchir ... Dust me suit et monte sur tous les blocs de Granit qu'il trouve !


La luminosité augmente progressivement mais le brouillard coupe la vue et l'impression de solitude est énorme.

Je garde un cap approximatif à la boussole et j'avance dans ce paysage sans repères ...



Dust semble être en confiance avec moi...
... mais moi je commence un peu à douter de mon emplacement sur la carte.
Je ne sais pas trop à quelle vitesse j'avance et le cap sur la boussole est approximatif ...

Je décide de réorienter mon chemin pour couper le sentier du tour de l'Aubrac qui devrait être inloupable ... Les prés se suivent et se ressemblent, je dois réorienter mon cheminement car je m'aperçois que je ne tiens pas bien le cap naturellement...
Il y a aussi des ruisseaux à franchir pour changer des clôtures ...  La principale source d'originalité de ces lieux réside dans le choix du lieu de franchissement des fils barbelés ... Il faut trouver un endroit où un bout de granit se trouve sous le fil pour pouvoir monter dessus et enjamber le fil sans galérer ...
Rien de mieux pour longer une clôture pendant un moment et dévier encore de son cap ......


Cela fait plus d'une heure et demi que j'avance sans m’arrêter dans les prés et je tombe enfin sur un semblant de sentier ! Une trace de VTT m'indique qu'il ne s'agit certainement pas que d'un chemin de tracteur. J'estime qu'il s'agit du Sentier du tour de l'Aubrac ... même si je ne vois pas de marque de peinture ...
Par contre, je ne sais pas à quel niveau je suis... et donc dans quel sens je dois le suivre ...
Je le longe vers la droite et aboutis à une clôture que je repère peut être sur la carte, je dois donc repartir dans l'autre sens .....

Je suis bien sur le "Tour de l'Aubrac" ! Ouf !!!

Je retrouve des points de repères et je quitte donc le chemin à cet endroit pour aller en direction de la voiture !
La tête de ce sapin représente bien la dureté de l'hiver dans ces contrées ...

Dust est toujours imperturbable ...

Je longe ce muret de pierre serti de genêts, pour rejoindre la route où je suis garé...
Bien content de retrouver la voiture finalement ! Un peu plus de 15 kilomètres parcourus ... ce qui n'est pas beaucoup pour cette durée ; mais qui furent éprouvants moralement.


Mais où était donc le ciel .... ?

dimanche 26 décembre 2010

26/12 Cascade du Déroc

A chaque fois que nous venons en Lozère, nous allons jeter un oeil à cette superbe cascade. En plein coeur de l'Aubrac, elle a du charme !

Aujourd'hui, j'espère la voir emmitouflée dans son manteau de glace... Je ne l'ai encore jamais vue gelée, mais vues les températures qu'il fait en ce moment... elle ne peut pas être comme en plein été !

En nous approchant de la cascade, par le haut, le petit torrent est bien gelé ! Dust va faire quelques glissades !

Nous descendons pour voir la cascade d'en bas ! Elle est loin d'être à sec ! il fait pourtant -10°C !

J'avais vu une fois un thermomètre sur lequel des graduations originales étaient notées. Il me semble que -15°C était noté "Les rivières gèlent ..."
Il faudra donc revenir par presque -20°C pour être sur de la voir complètement en glace !


Nous rejoignons le pied de la cascade en longeant la falaise. Julia, emmitouflée !

Les orgues basaltiques derrière la cascade ! Nous allons essayer de traverser derrière le rideau d'eau ! Mais le sol est pris par les glaces !

Des coussins de glace partout ! une buée se forme instantanément sur l'objectif dès que je le nettoie ! Ca glisse et ça mouille et ça gèle !!!

Enrobage des rochers !




Julia et son frère devant de très grandes stalactites !

Forcément, la rivière au pied de la cascade est partiellement gelée elle aussi. Des ponts de glace se sont formés à des endroits ! Je n'ai pas pu résister à l'idée de traverser ! Julia a bien été obligée de tenter elle aussi !

Notez la technique : Plus y'a des points d'appui, moins il y a de risque que ça se brise ...

Pour finir, nous grimpons sur ce rocher où Dust nous a déjà précédés ... pour admirer le paysage au couché du soleil !

Le vent nous frigorifie et nous prenons vite le chemin du retour !

Un petit lot de photos de la rivière gelée dans le couchant !


Les barbelés sont pris dans un drôle de rideau glacé !

-13°C

Une petite dernière et nous rentrons ! Ces teintes sont vraiment magnifiques !

vendredi 10 décembre 2010

10/12 Crêtes du Trieves (2 jours)

Il est 19h. Je roule, je vois défiler Laffrey, La Mure, Mens ... Je me pose beaucoup de questions ! Y aura-t'il trop de neige pour que je puisse suivre l'itinéraire prévu ? Les chiens vont-ils supporter une nuit sous l'auvent de la tente sans tapis de sol ? Où vais-je garer la voiture pour ne pas faire des kilomètres de route à la fin de la boucle demain ?
J'avais repéré que depuis le col de Mens, je pourrai prendre en photo les crêtes pour en voir l'enneigement. Il suffirait d'une pose longue à l'appareil photo et le tour serait joué ... Après Mens, j'arrive à la bifurcation du col ... route fermée ! Et merde ... le petit croissant de Lune va bientôt se coucher, en faisant le tour et en cherchant où me replacer, il sera trop tard pour savoir si il y a un problème avec la neige ...

Vu la météo des derniers jours, mon bon sens me dit qu'il ne doit pas rester beaucoup de neige et que je peux monter de nuit sans problème sur les crêtes.
Je rejoins donc les hameaux de Tréminis... Je gare la voiture sur la route menant au "Pique-Nique du Grand Ferrand". Je ne vais pas au bout et me laisse donc deux/trois kilomètres à faire pour m'échauffer avant la montée. Je démarre donc à pieds vers 20h15, la nuit est noire !



Je ne suis jamais serein en randonnant la nuit... Les chiens sont rassurants mais très têtus : ils veulent absolument aller un peu plus loin que ce qu'éclaire ma frontale ... Je ne sais pas ce qu'ils voient mais il n'est pas question qu'ils s'éloignent ! Si ils détalent je me retrouverai tout seul à beugler sans savoir après quoi ils sont partis !

La montée commence après le pique-nique : un refuge spacieux fréquenté comme d'habitude par des amateurs de graffitis ...


Je grimpe dans la forêt en suivant le chemin tant bien que mal. De nombreuses routes forestières serpentent un peu partout et il est facile de louper les panneaux dans le noir. Vers 1250m, je ne retrouve plus les virages du chemin sur ma carte. Je continue quand même, cherchant des pistes allant dans une meilleure direction ... Je me dis que ce n'est pas bien grave, si je suis crevé, je n'ai qu'à planter la tente dans le chemin et j'y verrai plus clair demain.

Je finis quand même par retrouver la bonne route. Le temps semble s'écouler tout doucement, car j'ai l'impression de traîner. De petits zig-zag de la route sur la carte semblent prendre un temps fou. Je marche sur de la neige qui a durci sur le chemin, C'est fatigant car les pieds dérapent. Je suis crevé, il est 22h.
Enfin, je débouche dans l'alpage et je tombe immédiatement sur la bergerie. Je suis trop fatigué pour rejoindre les crêtes et je m’arrête donc là. Je visite les lieux et hésite à planter ma tente au fond du hangar. Finalement je la plante juste devant la bergerie à l'abri du vent qui souffle fort hors de la forêt.


Le double toit de la tente ne touche pas le sol, j'avais oublié ça ! Les chiens vont donc être en plein courant d'air s'ils dorment dans l'abside ... Je tente donc de les faire rentrer dans la tente pour qu'ils s'installent pendant que je mange ... Grosse erreur ! Dust s'excite comme un fou, affolé d'être à ma hauteur, il se roule dans tous les sens et éparpille de la neige partout ! Rapidement le fond de la tente est trempé et je me dis que ce n'est pas une bonne idée de mouiller les plumes du duvet ...
A la fin du casse-croûte j'abandonne l'idée de la tente et me réfugie dans la bergerie qui a une partie ouverte. Une ration de croquettes pour les chiens et dodo ! Il est 23h20.
J'y passe une assez bonne nuit, avec comme d'habitude une satanée envie de pisser qu'il est hors de question d'aller satisfaire par -10°C dehors ...

Debout !
Hop, j'avale un sandwich au pâté et un twix et c'est reparti à 7h20 ! Dehors c'est la tourmente. Un brouillard épais traverse l'alpage comme une furie, il fait -12°C au thermomètre.
Je rejoins le col de la croix...

Y'a t il eu une soirée mousse par ici ?
 
Y a t'il une croix ? Aucune idée ! Je ne traîne pas, j’enchaîne plein ouest avec la crête de la "Montagne de Paille". Quelle idée de faire un itinéraire en crête sous en tel déluge ? Le but est de rejoindre la "Pointe Feuillette" pour le levé du soleil à 8h20. De là je devrai admirer la sortie de l'astre dans le "Col des aiguilles" ... si le brouillard veut bien se dissiper ! J'ai prévu de suivre les crête faisant la frontière entre l'Isère et la Drôme, du col de la croix au Rognon.
Les chiens me suivent gentiment, à leur manière. Je ne sais pas s'ils se bagarrent pour se tenir chaud ou simplement parce qu'ils aiment ça ! Ils ont l'air de supporter assez bien les conditions climatiques pourries !



Je bute contre une petite barre rocheuse qui descend de "La roche". Tiens donc ? Je la contourne par le bas en traversant une zone de neige durcie bien casse gueule mais pas raide. J'arrive au "Col Lachaup" et fini la montée à la "Montagne de Paille".
  


Pas de miracle météorologique pour le moment, je me fais toujours autant souffler dessus, les chiens commencent à givrer.
Il fait -13°C...
 

Il faut vraiment qu'ils m'aiment je crois ...


Les rochers et les clôtures semblent tout droit sortis du pôle Nord.

 
Des plumes de givre de plus de 40cms surlignent les poteaux des clôtures... Je commence à douter ... Les chiens sont tout blanchis, et ressemblent à des vieillards, le vent est trop usant ... si je continue j'aurai encore plusieurs kilomètres de crête à faire ... Le soleil ne semble pas prêt de percer !






Tant pis je continue jusqu'à l'antécime de la "Pointe feuillette". J'arrive trop tard pour le levé de soleil il est presque 9h ... J'avance doucement ! Une heure et demie pour faire 3 kilomètres.
De toute manière je nage toujours en plein brouillard ! Je suis à 1850m, le sommet est à 1881m au bout d'une crête en impasse : ça devait être le point culminant de mon itinéraire ! J'abandonne l'idée d'y aller pour avancer au plus vite. Nous restons donc dans la purée de pois à nous faire givrer comme des manchots !


Prendre des photos est devenu très compliqué. La batterie gèle lorsqu'elle est dans le reflex ! Je dois réchauffer la batterie dans ma poche quelques minutes, l'insérer dans l'appareil en me battant avec le petit verrou et mes gants, et enfin essayer de prendre une photo dans les quelques secondes restantes avant qu'elle ne regèle ... La lentille de l'objectif se couvre très rapidement d'une fine pellicule de glace et de givre, je dois la retirer toutes les cinq minutes ...


Nous longeons la crête de la "Montagne de France" ... je ne trouve pas ça très représentatif de la France ! Je rejoins le ressaut à 1873m, le plus haut du jour ... et nous continuons toujours dans le vent givrant ...



 
Après le "Col de Jajêne", j'ai un doute. Je viens de grimper sur une bosse, toujours en suivant la crête et ensuite cela redescend plein Nord. Quelque chose ne colle pas ! Je regarde la carte et la boussole et ce n'est pas bon ! Plein nord ça descend raide dans la forêt et il ne faut pas que j'aille par là. Derrière moi j'en viens ! Ce n'est pas le moment de se louper ! J'ai marché trente minutes depuis la "Pointe Feuillette". Je commence à stresser, je me dis que les chiens doivent m'en vouloir de les avoir amené dans cette merde ! Si je dois faire demi-tour j'en ai pour deux heures à rejoindre le refuge, je suis censé n'avoir plus "que" deux kilomètres à faire avant une possibilité d'abandonner les crêtes. En gros ça fait une heure de marche à ce rythme. Je regarde la boussole qui me dit de revenir en arrière. Je m'y fie, persuadé de perdre de mon temps, mais sans aucune autre solution à proposer !
Je me rends finalement compte que j'étais sur une sorte de jonction de crêtes à trois cotés ... Forcément tous les cotés se ressemblent dans le brouillard. Je suis donc en train de continuer sur la "Montagne de Jajêne"... "Montagne de la géhenne" aurait mieux collé à la situation ! Apparemment je vais dans la bonne direction, c'est déjà ça !


D'un coup, j'arrive au bout du brouillard ! Enfin !



Le paysage qui se dessine me remplit de joie ! J'ai nagé des heures dans un monde tout blanc alors la vue me semble grandiose ! Je suis sur la bonne route...
Les pentes sont grises, on dirait les pierriers du Dévoluy voisin ! Mais ce sont simplement des prairies complètement givrées à perte de vue.




Je ne suis plus pressé, avec le soleil le moral est remonté en flèche. J'aperçois un randonneur au loin, au niveau du "Col de Chante". Il a l'air parti pour monter au "Rognon" où je suis censé aller plus tard...
Pour le moment je descend de la "Montagne de Jajêne", secoué par des rafales de vent terribles qui me déstabilisent régulièrement.
Les chiens se régalent, à présent ils courent dans l'alpage comme des fous. Le soleil les fait dégivrer, c'est le bonheur.


Au détour d'une bosse, Bixy se fige sur un promontoire ! Cela m'alerte et je choppe rapidement Dust avant qu'il ne repère ce que Bixy a dû apercevoir. Lorsque mon regard dépasse la crête, une harde de 12 beaux chamois nous observe à une cinquantaine de mètres ! 
Je dois m'époumonner pour que Bixy débloque son regard et accepte de revenir vers moi ! De toute manière nous sommes grillés pour une approche photographique furtive. Je finis par attraper Bixy, mais impossible à une main de changer d'objectif pour mettre le 70-200 ! C'est au grand-angle que je photographie donc la harde qui me passe devant en courant !



C'est magique ! Ils défilent devant nous, Bixy pousse des petits cris, Dust tire comme un cheval et moi je prends pleins de photos à une main tant bien que mal !




Nous les regardons s'éloigner, et j'attends que l'excitation des chiens retombe pour les lâcher et repartir.


Je laisse de coté l'ascension du "Chevalet", ça sera pour une autre fois ...


- 8°C ? Il fait bon avec le soleil...


Une fois au "Col de Chante", je dois faire un choix. Soit je monte au Rognon, soit je redescends à la voiture. Un bande de neige de plusieurs mètres de large coupe la pente permettant de rejoindre la crête montant au "Rognon". Je me demande si ce n'est pas un peu casse-gueule d'aller essayer de la traverser ... Il est à peine 10h30 et je trouve cela dommage de rentrer tout de suite.

Un coup d'oeil en arrière vers les crêtes que je viens de parcourir.


Je choisis finalement de longer le pied de la crête du Rognon dans un décor en noir et blanc un peu étrange...




Je traverse des passages de neige durcie et pentue où je dois creuser des encoches pour poser l'angle de mes chaussures. Cela me vaut une bonne engueulade avec Dust qui ne comprend pas qu'il me gêne lorsque je suis dans cette position périlleuse et qu'il me saute dessus...

J'aperçois quelques chamois dans cette zone, mais ils gardent leur distance ...



Je finis par arriver au col entre le "Rognon" et le "Sommet de l'Aup". Je suis fatigué et une fois de plus la motivation de faire un sommet s'évanouit dans les bourrasques de vent !

Vue sur le Grand-Ferrand


Je suis loin de la voiture. Elle est garée dans le vallon du "Pique-nique" qui est au delà d'un premier vallon - le Rousset - qu'il me faudrait traverser, remonter de l'autre coté et redescendre à la voiture ! Bref, je ne suis pas arrivé ! Une autre solution un peu plus longue, serait de rejoindre la jonction de ces deux vallons -le hameau "Château Bas"- pour revenir par la route à la voiture. Cette solution me tente plus car je n'aurai pas à chercher un passage au pif dans la forêt...
Un panneau indique Chateau-Bas à plus de 10 kms ! Je n'en reviens pas, sur la carte cela fait 5 kilomètres grand maximum. Persuadé que le panneau se trompe et que l'IGN est infaillible ... je pars pour Chateau-Bas.


La vue vers le Nord se dégage et toute la pleine du Trièves s'éclaircit. Je me trouve un rocher pour m'abriter du vent et pique-niquer rapidement. Les chiens regardent le paysage et profitent de la seule pause de la journée pour faire une sieste de dix minutes.

Vue sur la croix du Rognon

La face Nord est complètement givrée.

Les toutous devant le Mont-Aiguille et le Grand Veymont.

Je descends ensuite dans la forêt et redécouvre ce qu'est l'absence de vent !



Les forestiers on pas mal bourlingué avec leurs tracteurs et leurs tronçonneuses dans le quartier !



Je ne trouve pas les virages qui sont sur ma carte ... rapidement je me résigne à suivre les marques jaunes sur les arbres... Au bout d'un moment, je suis bel et bien assuré de faire mes 10kms pour rejoindre Chateau-Bas ... j'ai loupé une bifurcation qui a dû disparaître ...
Le chemin m'amène tranquillement, par une route forestière peu pentue, jusqu'au fond du vallon "Rousset".


Au dessus de moi, je vois le "Sommet de l'Aup" qui crache quelques nuages chargés de neige ...

 
L'Obiou, méconnaissable depuis ce versant !

Le sommet de l'Aup.

Je commence à en avoir marre et décide de couper pour descendre plus rapidement. Un beau sentier longe un torrent... je m'y engage. Au bout de dix minutes des barbelés me barrent la route. Crevé, je quitte quand même mon sac et mon bordel pour passer en dessous et je me retrouve dans un jardin avec une caravane. Je m'énerve lorsque je vois qu'il faut franchir de nouveau des barbelés pour sortir. N'ayant pas envie de quitter mon bordel une seconde fois, je tente de passer par dessus. L'attache du fil barbelé se casse, le poteau sur lequel je m'appuie tombe et je me retrouve à plat ventre sur le fil avec la main coincée entre les piquants et mon ventre.

Aïe ...........

Je m'en sors avec seulement une bonne griffure profonde sur deux doigts, ça saigne un peu mais ça va ...

Je n'en peux plus, et n'ai pas le courage de grimper la colline séparant les deux vallons alors je rejoins Chateau-Bas par la route, achevant les 10 kms ...

J'aurai trouvé plus approprié de croiser ce panneau ce matin ...


L'altitude plus basse rend l'ambiance plus clémente !


Bixy ramène un lichen en souvenir !

Il ne me reste qu'à remonter le vallon du pique-nique pour rejoindre la voiture. J'ai bien fait de ne pas garer la voiture au bout... Je profite du panorama sur l'Obiou et le Grand Ferrand que je n'avais pas vu hier soir ...
Peu avant la voiture, les chiens se mettent à tirer ! Je regarde moi aussi mais ne voyant rien je leur dit de se calmer. Rien n'y fait ! Ils ciblent quelque chose en tirant ! En avançant je finis par apercevoir un gros renard qui chasse devant des taupinières. Je m'avance doucement et j'en fais quelques photos avant qu'il ne nous repère et s'enfuit ! Merci Dust de l'avoir repéré !

Le royaume des taupes !




Un gros soulagement en arrivant à la voiture ............. 26 kms et 1300 m de dénivelé dans les jambes ...


Quelques photos prises sur la route du retour.

Le Grand Ferrand dominant le vallon de Tréminis.

Les grands du Vercors.

Toujours le même.

Les contreforts Nord du Jocou, pour une prochaine sortie surement ...