mercredi 19 janvier 2011

19/01 Drôme glaciale (2 jours)

Il m'arrive de penser que faire une vraie grande randonnée, c'est partir sur plusieurs jours. Je ne suis jamais allé au delà de deux jours et une nuit. Ma semaine de vacances est prévue depuis un moment. Je me dis donc que c'est l'occasion rêvée pour franchir cette étape supplémentaire : passer deux nuits consécutives en montagne.
J'ai un peu renouvelé mon matériel récemment histoire de l'alléger et de le rendre compatible avec les chiens. Une nouvelle tente, un nouveau matelas, une nouvelle popote et un sac à dos pour Dust ! Tout cela pour me permettre d'aller plus loin, plus longtemps ...

J'ai passé beaucoup de temps à analyser les cartes pour trouver des itinéraires propices à une grande rando sur trois jours. Les contraintes sont implacables ! Il faut au moins une quarantaine de kilomètres, un peu de dénivelé, il faut que ça soit en boucle, plus difficile il faut que les chiens soient autorisés et cerise sur le gateau, il ne faut pas de pente trop forte ou de zones sujettes aux avalanches. Ca fait beaucoup de contraintes en fait !

Cette dernière condition exclut les massifs purement alpins où les pentes sont trop fortes et où l'altitude grimpe en flèche ! Le Vercors s'y prêterait bien mais la réserve est interdite aux chiens ! C'est donc plus au sud que j'ai trouvé le meilleur terrain de jeu. Déjà expérimenté il y a peu (voir la sortie "Crêtes du Trièves"), je trouve finalement le meilleur itinéraire non loin de là dans le Diois !

Je mets du temps à finir de préparer mon sac ce matin. Je me bats surtout avec ma tente pour laquelle je n'ai plus de place dans le sac. Au bout de 20 minutes je finis par arriver à l'arrimer sous mon sac. Je peux enfin partir !

Ce nom en fait rêver certains, j'arrive à "Glandage", petit village paumé de la Drôme.

L'église sonne les 10 heures alors que je charge le sac sur mon dos et que j'équipe Dust du sien !
J'aurais préféré commencer plus tôt, je prends donc la variante la plus facile pour rejoindre le col de Boulc !
Un large sentier longe les champs et remonte le vallon de la Vière, au fond duquel je devine le col caché sur la droite.

Cliquer pour agrandir


Le gel et de dégel ont rendu le chemin boueux et mes chaussures entassent des kilos de terre rapidement ...


Je profite néanmoins du soleil en passant par de petits hameaux tranquilles.


Difficile de savoir si Dust apprécie son sac. Il s'assoit beaucoup plus souvent que d'habitude.




Trois kilomètres plus tard, le chemin m’amène au fond du vallon pour démarrer les hostilités. Je traverse la rivière et entame la montée au col par une route forestière. La carte m'indique de nombreux lacets et évidemment, je m'empresse de couper dès que j'en ai l'occasion !

Un de ces raccourcis traverse un ruisseau et évite habilement un détour de la route.
Dust apprécie toujours les ruisseaux, sac ou pas sac !

Je m'y engage, esquivant les branchages qui jonchent le sol partout. Rapidement, ces entassements se densifient et je me retrouve à crapahuter sur des monticules de branches en terrain délicat, jetant régulièrement des coups d'oeil vers Dust pour voir s'il arrive à passer sans se coincer le sac dans les branches. Il choisit d'autres passages et du coup, je ne regarde pas trop où je mets les pieds ... Ce qui devait arriver arriva ! Dans une forte pente en dévers je pose le pied sur une branche, et comme il n'y a rien de plus glissant qu'une branche humide dans le sens de la pente, mon pied se sauve aussi sec ! Me voilà étalé dans les branchages et les troncs. Je reste immobile quelques instants, guettant une douleur signifiant qu'une branche se serait plantée quelque part ... Ca va je m'en tire juste avec la main un peu râpée qui me brûle ... Moralité, les raccourcis sont plus courts sur le papier qu'en vrai.

Du coup je reste à présent sur la route forestière ! Dust fait son possible pour garder ses vieilles habitudes malgré son sac.



La route est gelée par endroits ! Je n'ai pas froid mais il doit faire environ -2°C dans cette forêt à l'ombre.

J'avais repéré sur internet qu'une cabane se trouvait près du col de Boulc, elle est apparemment cachée dans la forêt car je débouche au col sans l'avoir aperçue ! La végétation change avec le versant, c'est plus sec. Je suis toujours dans la forêt et je m'offre une première petite pause. Je retire le sac de Dust pour qu'il se dégourdisse ! Pour rejoindre le sommet de La Pare (1882m) je dois d'abord rejoindre le col Varaime où m'amène la suite de la route forestière.

Je débouche de la forêt un peu avant ce dernier col. Je vois devant moi le col et à sa droite la montagne portant le même nom. Elle est étrange, elle laisse apparaître une grande plaque de roche presque verticale où arrivent à pousser des pins coincés dans des fissures. Ce sont peut être leurs racines qui ont fait éclater une fissure, faisant s'effondrer une grande dalle.

Au col de Varaime la vue se dégage vers le sud.



La véritable montée commence ici. Je pensais devoir rejoindre un troisième col - celui de Vaunières - car sur ma carte à la maison c'était là le seul sentier pour monter au sommet. En fait un sentier démarre où je suis et m'épargne donc une traversée supplémentaire.

Je fais ma petite pause casse-croûte et en repartant je m'aperçois que j'étais presque assis sur une vieille patte de bestiole. Dust ne l'a même pas remarqué jusqu'à ce que je me lève. Ca sera son petit butin du moment !


La végétation subit par ici un fléau insidieux. Les scolytes, de petits insectes, ont infesté la forêt. Ils creusent sous l'écorce de petites galeries en forme de labyrinthe. Une partie vitale de l'arbre est ainsi dévorée, et celui-ci finit par mourir.

La forêt à l'agonie !

Ceux-ci sont morts il y a peu...

Celui là depuis longtemps ...

Le sentier de montée fait des zig-zag dans la forêt ou des pierriers.

Il passe quelques fois au bord d'un effondrement rocheux dominant le col de Varaime. Dès que je m'approche du bord, le vent souffle fortement. Ces conditions difficiles ont probablement eu raison de ces arbres, morts il y a longtemps, mais qui sont toujours solidement enracinés. Ils ne portent pas les traces des scolytes au moins.

Les nuages défilent à vive allure, et laissent apparaître un moment la montagne de Glandasse : l'extrême pointe sud du Vercors et de la réserve des hauts-plateaux.

Vue du Diois

Pour ma part j'approche bientôt du sommet de La Pare. Il ne me reste qu'un dernier ressaut à monter.

La neige se fait plus présente ce qui ne m'arrange pas. Elle est gelée et mes chaussures n'y accrochent pas toujours. Ce qui m’embête le plus c'est que je suis déjà fatigué et qu'il y a une bande de neige au sommet où je sens que je vais galérer !
Si j'ai appris quelque chose à force d'aller en montagne notamment grâce à Mikaël c'est bien ce qui suit. De nombreux passages semblent infranchissables vus de loin et poussent à chercher un moyen de contourner voir à abandonner. Mais ce n'est souvent qu'une illusion, ou un effet d'optique. Ce n'est qu'en poussant l'effort jusqu'à venir au contact du problème, qu'on se rend compte que finalement ça passe et qu'on a bien fait de continuer !

J'entame donc cette montée en passant par l'herbe tant qu'il y en a. Dust, lui, préfère la neige. Il prend de l'avance, se retourne et se tortille en un mélange de glissade et de roulade pour redescendre quelques mètres.


En s'approchant du sommet, l'herbe prend fin et le vent prend le relais. Il reste quelques arbres à cette altitude !

Mes chaussures accrochent un peu sur la neige alors je continue à monter. La pente n'est pas raide donc ça va. Quelques dizaines de mètres plus loin, je suis heureux d'atteindre le sommet et de voir que celui-ci est dégarni.
Les nuages passent à toute vitesse, le vent souffle fort. Au bout de quelques minutes les nuages m'offrent un petit répit pour apercevoir le véritable sommet du jour : La Toussière (1916m). Les crêtes qui y mènent sont ourlées de neige mais les pentes sont presque toutes fondues ! Ouf !

J'apprécie vraiment ce genre de paysage !

Et c'est parti pour les crêtes !
Rapidement, je déchante un peu à cause du vent... Pour éviter d'être trop chahuté j'avance quelques mètres en dessous de la ligne de crête, c'est beaucoup plus confortable !


Je n'ai toujours pas vu d'animaux mais les traces sont sans appel ! Il y a des bestioles à sabots dans les parages !


Quelques arbres givrés sur mon itinéraire.

Faire des photos apporte un certain avantage. Cela permet de faire un grande quantité de mini pauses qui fragmentent l'effort. Pour ma part ça me convient bien ! Je me retourne pour prendre en photo La Pare d'où je viens de descendre.

En débouchant au point 1859, j'aperçois quelques chamois en contrebas !
Si si, ils sont bien sur cette photo ! (cliquer pour agrandir)


Je change rapidement d'objectif mais l'un d'entre eux nous a déjà repéré !

Le vent souffle et je n'ai pas envie de rester immobile trop longtemps. Ils fuiront de toute façon, je continue donc doucement d'avancer. Dust est de toute manière en laisse depuis La Pare. Rapidement l'alerte est sifflée et tout le petit monde se révèle et est prêt à partir.

Et c'est parti ! J'en compte sept dont un jeune : le second sur les six de cette photo.

Ils basculent finalement derrière une crête au moment où les nuages décident de revenir envahir les lieux.

Lorsque je franchis à mon tour la crête, il n'y a plus âme qui vive dans le quartier. D'ailleurs c'est toujours comme ça ... Par contre ce que je vois, c'est le sommet de la Toussière !


J'avais vu en préparant mon itinéraire qu'il y avait une barre rocheuse à franchir par ici.  Je ne savais pas trop ce qu'allait donner un panoramique en biais ... c'est moche ... mais ce n'est pas déformé !

La barre rocheuse ne semble facilement franchissable qu'en deux endroits : au plus haut près du bord et une cinquantaine de mètres plus bas dans la neige. Aucun des deux passages ne m'enchante ! Près du bord ça veut dire marcher à deux pas d'un précipice et l'autre passage est enneigé et pentu.

Comme dit précédemment, il faut bien aller voir de plus près. Je m'approche donc et me donne un petit temps de réflexion / photo histoire de me décider !

Un truc bizarre traînant dans la montagne dans un paysage de noir et blanc.


Je viens de faire partir une pierre et Dust la regarde parcourir une bonne centaine de mètres ...


Finalement j'opte pour la solution numéro trois ! On devine un passage plus facile dans la barre rocheuse un peu plus loin. Une double encoche plus sombre. Je préfère aller voir ça !

Apparemment, ça passe !


Je commence par y monter sans Dust pour tâter le passage. Je dépose mon bordel photo en haut histoire d'avoir les mains libres. Dust trépigne en bas en couinant.

Le passage faisant à peu près deux mètres de haut et quasi vertical il a beau se dresser sur les pattes arrières il ne peut que gratter les pierres avec ses griffes ! Je redescends pour lui donner un coup de main.

Bon alors là, je fais une connerie que j'aurai dû voir venir ! Ce n'est pas la première fois que je porte Dust et ce couillon fait toujours exactement la même chose. En plus de se tortiller comme une anguille, dès qu'il le peut il prend appui sur tout ce qui vient pour pousser avec ses pattes ! Du coup, dans cette mini cheminée, je suis mal installé sur des rebords en pierres glissantes ; j'attrape Dust et le hisse au dessus de moi pour qu'il finisse de monter. Mais il prend appui contre le rocher et nous repousse en arrière. Heureusement je ne dérape pas malgré le givre, et le déséquilibre effleure tout juste le point de basculement ! Dust prend appui et franchit le passage, me laissant finir avec le bon pic de stress de celui qui vient d'échapper à une grosse gamelle !

Il ne reste qu'une bonne cinquantaine de mètres à monter et c'est le sommet ! Le vent souffle en bourrasques violentes et je passe au travers des nuages qui défilent à toute allure. Impossible de voir quoi que se soit d'autre que le sommet où je suis.

Je vais tout de même voir par au dessus le passage qui permettait de franchir la petite barre rocheuse tout en haut. Des traces montrent qu'un randonneur est passé par là plusieurs jours auparavant mais c'est quand même près du bord. Non merci avec Dust. En été sans vent, ça serait sans problème.

J'attends un peu, dans l'espoir que le ciel se dégage pour voir les montagnes alentours... Je décampe assez vite car le vent souffle et il fait vraiment froid. Je m'engage sur la crête descendant du sommet vers le Nord-Est.

Entre deux nuages ...


J'arrive à une corne étonnante sur cette crête.

C'est trop raide de chaque coté donc je choisis de suivre les marques du sentier qui passent carrément dessus. Je ne fais pas trop le malin avec le vent car ce n'est pas une grande plateforme mais ça va. Les rochers se couvrent de plumes de givre sur l'autre coté de la bosse.

Dust est tout décoiffé mais pas encore tout gris comme dans le Trièves !


Je descends sous la limite des nuages et la vue est dégagée sous ce plafond. Au Sud il y a quelques trouées de soleil illuminant des endroits comme des spots.
Ici le Roc Bernon (1546m) a droit à son rayon de soleil.


Là, c'est au tour du village de Lus-la-Croix-Haute. On devine la falaise du Chamousset au loin : c'est le Dévoluy !


Je poursuis la descente le long de cette ligne de crête mais je m'aperçois que cela va m'amener trop bas.

Je bifurque vers la gauche et traverse une langue de neige durcie où je dois tailler des encoches pour placer mes pieds. Je finis par laisser tomber et descendre dans la forêt tout droit pour rejoindre le col Navite (mal placé sur les anciennes cartes). La nuit commence à tomber et en plus je suis à l'ombre de la montagne. En débouchant dans la prairie du col, mes pieds me passent devant et je m'écrase sur le dos. Je n'avais pas vu la plaque de glace et mon sac à dos à amorti la chute. Même pas mal, et en y réfléchissant je n'ai rien de cassant dans le sac donc pas de soucis ! Je suis trop crevé pour que ça me fasse réfléchir ! Le vent ne souffle plus ici bas et j'apprécie le calme.

J'ai quand même un soucis. Je suis lessivé et pour suivre mes plans il faudrait que je gravisse le Sarrier, que je redescende dans la vallée, que rejoigne le col de Grimone puis que je monte aux Glaisettes : le contrefort du Jocou 200 mètres au dessus du col.

Une photo du Sarrier ...

Rien que rejoindre le col de Grimone sans passer par le Sarrier me semble long. Je pourrais le rejoindre à plat, en passant par le col de Lus, mais je suis les panneaux et je descends au fond du vallon des Chaumets. Je ne sais pas pourquoi je choisis cet itinéraire mais il en résulte que je me retrouve 200 mètres sous le col de Grimone ! Une photo dans la pénombre des Glaisettes. Je ne suis clairement plus en état de monter tout là haut !

Je rejoins le GR93 et je me traîne péniblement jusqu'au col de Grimone pour planter finalement ma tente !

Il est 18h et là, je déchante ! Le vent s'engouffre dans le col ! Je n'ai pas envie de redescendre me mettre à l'abri après avoir si difficilement fait ces derniers mètres de dénivelé !
Il y a trois baraques au col, une petite à l'écart est bordée d'une forêt de très jeunes pins. J'y trouve un petit emplacement un peu enneigé où j'arrive finalement à planter ma tente et à me poser enfin !

Il y a beaucoup de place sous ce tipi et j'apprécie de pouvoir entreposer toutes mes affaires, faire une place pour Dust et avoir une zone pour cuisiner. Il y a de la place inoccupée mais ca sera bien pour les fois où Julia sera là avec Bixy !


Je découpe le tapis de sol en mousse : une moitié pour Dust et l'autre moitié pour compléter mon nouveau matelas ! Il comprend rapidement que c'est pour lui et il s'y couche en boule.

Je mange mon premier plat lyophilisé ! Bon, ma cuillère fait la moitié de ce qu'il faudrait pour atteindre le fond du sachet mais j'avale tout ! Dust mange ses croquettes pendant que je regarde la carte et au lit !!!

La nuit a intérêt à être réparatrice ! Je m'y suis quand même mieux préparé que la dernière fois ! Un matelas mieux avec double épaisseur au niveau des hanches, le sol en pente mais la tête vers le haut et une bouteille pour pisser sans avoir à sortir ! Le top !
Finalement rien ne protège mon duvet contre Dust mais lorsque je l'entends bouger je lui dis de rester coucher et il obéit gentiment. C'est une crème ce toutou !

Je me réveille à 22h30 la première fois. La seconde fois je vois les chiffres passer de 23h59 à 00h00. J'ai un peu de mal à me rendormir à minuit alors je prends une photo de ce que je contemple lors de mes réveils !


C'est le sommet de la tente où la pleine lune dessine les branches des arbres lorsqu'il n'y a pas de nuage - ce qui n'est pas le cas sur la photo. J'écoute le vent souffler, et les bourrasques du col s'entendent d'ici ! Des fois un coup de vent plus fort traverse la petite forêt et la toile claque un coup.

Ce sont à 2h30, 3h30 et finalement à 4h30 que j'ouvre encore les yeux. Cette dernière fois je décide de ne plus chercher le sommeil. J'ai noté qu'à 8h19, si je me place au point 1943 sur la crête menant au Jocou, j'aurai un joli levé de soleil entre les deux Garnesiers... Ca me fait un peu plus de 600 mètres de dénivelé, donc deux heures. Mais je mise plutôt sur trois heures à cause de la fatigue. Il faut donc que je parte dans moins d'une heure !

Quelle connerie ! Ca ne m'a pas suffi d'espérer voir un levé de soleil sur le Dévoluy la dernière fois. Dehors, c'est le même scénario ! La météo n'a rien changé à ce qu'il se passait la veille. Les nuages défilent à une allure folle dès 1800 et le Jocou est complètement bouché lorsque je remballe la tente.

Au lieu de monter aux Glaisettes, je marche sur la Nationale pour venir au pied du col Vente-Cul. Je commence l'ascension dans une prairie agréable mais il fait très froid. Mes chaussures sont dures comme de la pierre car le cuir s'est imprégné d'eau la veille et a gelé pendant la nuit. Un coup d'oeil au thermomètre m'indique -8°C. Je me caille vraiment à cause de la fatigue.

Comme je n'ai rien mangé ce matin, je me dis qu'un bon thé chaud et bien sucré me ferait du bien !
Du coup je remonte rapidement la tente pour me mettre à l'abri du vent et me faire chauffer un peu d'eau. Je suis obligé de quitter mes chaussures et de repasser mes grosses chaussettes de laine nocturnes tellement ces chaussures me font froid aux pieds !

Je repars pour la montée ...

Le brouillard me happe et je continue dans la pénombre ne sachant si je reverrai bientôt la pleine lune ou si je devrai attendre longuement le levé du soleil. Le sentier devient difficile à suivre, la neige recouvre par endroits le fond de la combe. Je le perds et le retrouve plusieurs fois.
La carte indique "abr." un peu à droite du sentier. Je me dis que je vais profiter de cet "abri" si j'arrive à le trouver car je referai bien une petite pause... Je trouve ça quand même assez bête de la part de l'IGN d'écrire "abr." au lieu de mettre "abri", ça prend autant de lettres puisqu'ils écrivent le point !

Impossible de trouver ce refuge. J'ai paumé le sentier et je nage dans le brouillard. La batterie de mon appareil photo rend l'âme dans un ultime soubresaut assez représentatif de ma situation.

Je décide de monter au pif à flanc jusqu'à la crête. Je dois éviter des plaques de neige gelées mais je trouve toujours un passage. Lorsque je débouche sur la crête, le vent qui soufflait dans la combe me dit "moi qui suis faiblard je suis fatigué ! Je te laisse là, c'est mon copain le gros vent costaud qui va t'accompagner et te prendre dans ses gros bras musclés maintenant !"

C'est dans ce genre de moments là que je commence à parler à Dust ! Je lui répète plusieurs fois "Mais c'est un truc de malade ce vent !!!" Même s'il ne parle pas la même langue que moi je vois bien qu'il pense la même chose. Il ne couine pas mais il est sans cesse dans mes jambes à sauter tout excité. Au fur et à mesure que je remonte la crête le vent devient encore plus fort. Les bourrasques menacent de m'envoyer au sol. Je marche complètement penché, m’arrêtant, courbé sur moi même lorsqu'une bourrasque m'empêche d'avancer. Dust court autour de moi, pour se tenir chaud peut être. Je le tiens à l'oeil car j'ai peur de le paumer dans le brouillard. Il commence à givrer. J'ai surtout peur qu'il aille se mettre dans une pente neigeuse et qu'une bourrasque le fasse glisser vers le bas. J'arrive au col de Vente-Cul et jamais un lieu n'aura aussi bien porté son nom. Le vent est toujours aussi acharné !
J'espère que le fait de quitter la crête nous épargnera un peu. Nous suivons le chemin mais en fait les masses d'air sont pressées contre le flanc de la montagne et elles n'ont d'autres choix que de monter à toute allure pour trouver une crête ou un col pour passer de l'autre coté. Dust est complètement givré, plusieurs fois je me fais surprendre par des rafales et je trébuche. J'aimerai prendre tout ça en photo mais il est hors de question de s’arrêter et de retirer le sac pour en sortir la seconde batterie. Si quelque chose m'échappe je ne le retrouverai pas et je vais me geler le dos. Tant pis pour les photos, les souvenirs eux sont déjà gravés !
Lorsque le sentier passe juste à l'aplomb d'une zone éboulée et raide, une plaque de neige qui recouvre le chemin finit d'achever ma volonté. S'il m'arrive quoi que se soit par ici, ça pourrait mal tourner. Je sais que faire demi-tour revient à affronter le même vent qu'à l'aller, mais je n'ose même plus imaginer couvrir le reste du trajet menant au point 1943 et au Jocou sous cette tempête !

Je reviens au col de Vente-Cul et je plonge directement dans la combe. Le vent finit par se calmer... Je redescends toute la combe où les pins à crochets sont complètement givrés. Je suis frigorifié et n'ai pas la volonté de sortir la batterie du sac... Les photos attendront... Je passe devant deux gros "Abreuvoirs" installés près d'une source... pfff ... je suis bête.
Un peu plus loin c'est l'occasion de poser le sac et de reprendre ses esprits.

Une photo de la combe où j'étais à tâtons quelques heures auparavant...

Cet abandon de l'ascension a sonné le glas de l'itinéraire que j'avais prévu initialement. Je n'ai plus du tout envie d'aller sur les crêtes. Je pourrais contourner le Jocou, et remonter au col de Seysse mais le vent doit y être aussi tempétueux ! Je ne vais quand même pas rentrer par la route jusqu'à Glandage ! En tout cas mon idée de "grande randonnée sur trois jours" s'est envolée dans les bourrasques. Je sais au fond de moi que je dormirai dans mon lit ce soir !

J'entame alors une boucle un peu moins élitiste faisant la part belle aux vallons plutôt qu'aux crêtes. Je prends l'itinéraire de variante du GR93.
Les traces d'animaux sont nombreuses, le sentier est une grosse route forestière. Tout est tranquille, si ce n'est que le thermomètre ne veut pas décoller des -8°C.

Le sentier traverse une forêt de pins et de mélèzes.

Certains mélèzes ont une drôle de manière d'orienter leurs branches ...

Ici aussi des scolytes ont décimé quelques arbres !

Sur le sentier, j'ai retiré son sac à Dust pour qu'il se dégourdisse un peu. Le froid lui va à merveille, il a le poil tout gonflé.

Le sentier vient franchir le bas de la crête des Amoussières descendant du point 1943. Le vent souffle comme une furie tout là haut !

Ici le vent est léger mais je ne le supporte plus. Le sentier mène au col de Seysse où je ne veux pas aller. Je préfère donc suivre la crête vers le bas, en rentrant dans la forêt pour rejoindre un autre chemin à flanc plus bas. C'est l'occasion de refaire quelques photos.


En arrivant sur un autre sentier ...

Tiens .. un autoportrait de randonneur fatigué par -8°C ...

Je commence à parcourir ce grand versant Ouest du Jocou : "La grande Plate". C'est un grand alpage avec quelques bosquets clairsemés. En débouchant d'un ressaut j'ai juste le temps d'apercevoir deux grosses biches qui filent dans le bosquet. J'espère les voir ressortir plus loin mais rien n'y fait. Elle doivent rester dans les arbres à me guetter !

Je quitte ce versant pour rejoindre le col de la Peyère. Les buis poussent dans le sous bois, donnant un air du sud à ce versant.

Je trouve enfin les premiers rayons du soleil de la journée. Il fait toujours aussi froid mais le fait d'être au soleil me redonne un peu de force.


Je bascule dans le vallon de Puscle où la carte indique quelque chose à voir. J'aperçois de belles formations rocheuses au fond du vallon à travers les arbres.


En parlant d'arbres ... les forestiers ont une drôle de coutume par ici ! Un caillou sur chaque souche !

Dust lui il grimpe ...


Arrivé au fond du vallon, je passe un gué et je vois de drôles de formes. Je crois que j'ai trouvé "les sucettes de Borne" !




Dust est en pleine forme !

C'est fou comme il est endurant ce chien !

Je dois retraverser un gué mais cette fois il y a trop d'eau. Il y a bien quelques palettes posées pour aider le randonneur, mais avec ce froid de canard elles sont prises dans la glace. Cela me vaut une belle glissade et un pied dans l'eau mais ça aurait pu être pire !


Je découvre avec émerveillement les véritables "Sucettes de Borne" !



Les rochers sont superbes mais les arbres qui y sont accrochés ne sont pas moins impressionnants !









Une belle arche !

Nous traversons une dernière fois le torrent.


Tout cela m'a redonné un peu de motivation. Ce vallon pourrait me ramener à Glandage mais histoire de se finir pour de bon je décide de grimper 300 derniers mètres de dénivelé pour arriver à l'aplomb du hameau "La révolte". Une route forestière affreusement raide remplit bien son rôle : la montée m'a achevé. J'ai mal aux pieds ! La forêt de hêtres est jolie et je prends cette photo montée de toute pièce en référence à une photo de mes toutous prises lorsque Dust était tout petit !


Une dernière photo de moi ...


Et voilà ...