vendredi 19 février 2010

Technique : Lumière sur la photo de nuit

J'ai récemment écrit un petit mail technique à Michaël concernant les réglages à choisir et finalement je me dis que ce descriptif aurait toute sa place ici.

Cette page étant de loin la plus fréquentée de ce blog, n'hésitez pas à y laisser un commentaire ou des questions. J'en serai alerté et j'y répondrai volontiers !

Le but est d'expliquer comment s'y prendre pour faire des photos de nuit en mode manuel (M) et cela passe par une prise en main des réglages du temps de pose, de l'ouverture et des ISOs. Le choix de ces trois réglages va définir le niveau de luminosité de la photo : son exposition.
En photo de nuit, une même scène peut rendre des choses complètement différentes en fonction de la lumière qu'on fournit au capteur.

Il n'y a pas une bonne exposition mais plusieurs : c'est le photographe qui devra choisir ce qu'il veut montrer sur sa photo !

Partons d'une photo qui convient au photographe, elle n'est ni trop claire ni trop sombre : elle est bien exposée. La quantité de lumière qui a atteint le capteur est bonne.
Descendre d'un "palier de luminosité" signifie régler l'appareil de telle sorte que la quantité de lumière qui atteint le capteur baisse et qu'alors tous les pixels de l'image soient un peu moins lumineux. L'image sera donc un peu plus sombre. Descendre trois paliers correspondent à diviser la lumière par deux. Inversement, monter d'un palier donnera une image un peu plus claire. Monter trois paliers correspondent à multiplier la lumière par deux.

Sur un reflex, les valeurs d'ouverture et de vitesse sont des listes de valeurs figées.
Pour la vitesse : ...,1/100, 1/80, 1/60, 1/50, 1/40, 1/30, 1/25, 1/20, 1/15, 1/13, 1/10, 1/8, 1/6, 1/5, 1/4, ...,10",13",15",20",25",30",manuel
Pour l'ouverture : ..., 9, 8, 7.1, 6.3, 5.6, 5, 4.5, 4, ...
Pour les ISOs : ..., 200, 160, 320, 400, 500, 640, 800, ... (sur les reflex entrée de gamme seules les valeurs en gras sont disponibles)

On remarque que le temps de pose double toutes les trois valeurs, les ISOs aussi. L'ouverture est une valeur plus abstraite mais toutes les trois valeurs aussi, le diaphragme laisse passer deux fois plus de lumière.
Ce point commun entre les trois variables est important :
Il suffit de décaler un des trois réglages d'un palier dans un sens et un autre réglage d'un palier dans l'autre sens pour que la luminosité reste la même !
De cette affirmation découle toute la logique de cet article.


Prenons deux exemples pour une comparaison théorique :

Une première photo est prise avec les réglages
Vitesse : 1/200s
Ouverture : f/8
ISOs : 400

Une seconde photo est prise avec les réglages
Vitesse : 1/80s
Ouverture : f/9
ISOs : 200


Analysons les différences de réglages :
Vitesse : 1/200s -> 1/80s : montée de 4 paliers de luminosités
Ouverture : f/8 -> f/9 : baisse de 1 palier
ISOs : 400 -> 200 : baisse de 3 paliers




Au final les variations de luminosités s'annulent et la luminosité de l'image reste la même ! Bien sûr le changement de réglage a eu des impacts sur la photo : baisse des ISOs donc amélioration du grain, fermeture du diaphragme donc impact sur la profondeur de champ et sur le piqué de l'image, allongement du temps de pose donc augmentation du risque de flou de bougé...


Voici un couple de photos prises avec la même luminosité mais des réglages différents comme l'exemple ci-dessus :
Pose : 20 secondes
Ouverture : f/5
ISO : 400


Pose : 160 secondes
Ouverture : f/7.1
ISO : 100

Dans la mesure où la nuit on utilise un trépied, on peut facilement augmenter le temps de pose pour augmenter la luminosité. Mais c'est assez énervant de devoir faire plusieurs essais de plusieurs minutes pour trouver la bonne durée.

Il est donc utile de maitriser les concepts ci-dessus pour ne pas y passer la nuit ...
L'idée est donc de prendre une photo avec les réglages d'ouverture et d'ISO fournissant le maximum de lumière : 1600 ou 3200 ISO et pleine ouverture (maximum possible par l'objectif). Ceci afin de connaitre un réglage fournissant la luminosité souhaitée sur la photo.

La photo suivante est prise à 3200 ISO, f/2.8, avec une pose d'une seconde qui s'avère pratique pour voir que la luminosité est bonne et que la mise au point est mal faite !

On doit décaler ensuite les réglages pour mettre ceux que l'on souhaite vraiment.

Exemple : Avec 1600 ISO et f/4, le temps de pose est de 30 secondes pour obtenir la luminosité souhaitée.
Je souhaite descendre à 100 ISO et fermer à f/8 car c'est là que mon objectif a le meilleur piqué...
Il suffit de compter les paliers en amenant les valeurs sur celles qu'on veut !


Passer de 1600 ISO à 100 ISO correspond à 12 paliers en moins (sur les reflexs n'ayant que les valeurs 100,200,400,800,1600,3200,... il faut compter 3 par 3)
Passer de f/4 à f/8 correspond à descendre encore de 6 paliers.
Ces deux réglages font donc perdre 18 paliers.
Le temps de pose du nouveau réglage doit donc remonter ces 18 paliers ! étant déjà à la valeur la plus longue je dois faire la calcul : Il faut doubler le temps de pose pour monter 3 paliers. Après un petit calcul mental on trouve que la pose doit etre 12 fois plus longue !
On obtient donc un temps de pose de 6 minutes !

La même photo que plus haut mais avec des réglages adéquats.


Il faut toutefois prendre conscience que ceci ne fonctionne que sur des objets fixes. Sur un sujet qui bouge, le temps de pose ne peut pas être augmenté à l'infini pour gagner en luminosité. Il suffit que l'objet se décale assez pour qu'il s'imprime sur d'autres pixels du capteurs. A partir de ce moment la luminosité n'augmente plus et on obtient un filé.
C'est notamment le cas des objets célestes ! Le temps de pose pour imprimer une étoile sur le capteur est donc limité. On constate donc qu'il faut faire jouer les trois paramètres et pas seulement le temps de pose pour obtenir la photo de ciel nocturne souhaité.

Voici un couple de photo ayant des luminosité assez similaire mais avec des réglages très différents.

Sur celle ci je souhaitais faire un filé d'étoiles. J'ai donc fais une longue pose et j'ai pu baisser les ISO et fermer un peu.
Pose : 160 secondes
Ouverture : f/10
ISO : 200

Sur celle-ci j'ai voulu figer les étoiles et ainsi imprimer des étoiles moins brillantes sur la photo. Quelque chose a quand même parcouru une grande distance dans le ciel pendant les 30 secondes de pose. Pour s'inscrire ainsi sur la photo ce devait être très lumineux !
Pose : 30 secondes
Ouverture : f/5.6
ISO : 400

Compléments concernant les photos de ciel :

Faire un filé d'étoile :

Du point de vue du photographe, les objets célestes glissent dans le ciel en tournant autour de la terre. C'est une rotation autour de l'axe de rotation de la terre. L'étoile polaire, qui est dans l'axe de rotation, reste immobile dans le ciel en direction du Nord.

Pour l'identifier le plus simple est de trouver la grande ourse : une grande casserole formée par 7 étoiles. Sur la photo suivante elle est tournée le manche vers le bas.
Si on tourne la tête pour regarder la casserole dans le bon sens, on prend les deux étoiles de droite, et on cherche un étoile brillante sur le même alignement à 5 fois la distance qui les sépare vers le haut.
Sur la photo qui suit, la grande ourse est à droite et l'étoile polaire toute à gauche.

Un autre moyen est de trouver Cassiopée (le W) et la grande ourse (la grosse casserole) et l'étoile polaire est à mi chemin entre les deux.

C'est intéressant de connaître l'étoile polaire car les étoiles filent d'autant plus qu'elles en sont éloignées. Sur une photo au grand angle avec un long temps de pose, on constate bien cet effet de rotation des étoiles autour de l'étoile polaire. Sur la photo suivante on commence à le ressentir : les étoiles en haut à gauche filent verticalement alors que les étoile au centre filent en diagonale. L'étoile polaire est donc en haut à droite. (On peut ouvrir en grand les photos en cliquant dessus !)

L'étoile polaire est visible vers le Nord, les étoiles qui fileront le plus vite sont donc les étoiles assez basses sur l'horizon vers le Sud. S'il n'y a pas de lumière parasite dans cette direction, c'est là qu'un grand filé sera le plus facile à produire.

Photo d'un filé de 133 secondes avec l'étoile polaire qui se fait engloutir par des nuages illuminés par la ville.
La grande ourse commence à filer et le étoiles plus loin courent plus vite.

Problème des pixels chauds :
Les pixels chauds sont un problème rencontré lors de l'utilisation de temps d'exposition très longs. Des pixels chauds sont des pixels anormalement sensibles. Le simple travail électronique du capteur peut charger ces pixels comme si ils étaient illuminés. Plus la pose est longue plus le pixel est chaud ! On les constate facilement sur une série de photos car ils sont fixes.

Sur la photo qui suit par exemple il y a trois pixels chauds biens visibles

Un pixel très chaud se trouve juste à gauche de la Lune, un encore plus a gauche et un en haut à droite. Dans un ciel étoilé figé ils peuvent passer inaperçu à moins de connaitre la carte du ciel par coeur, mais sur une image de filé d'étoile, ils sautent littéralement aux yeux !

Pour se débarrasser de ces pixels chauds il faut procéder par soustraction d'un "dark". Le dark est une photo prise dans le noir complet. Sur un dark, les seuls pixels illuminés sont les pixels chauds. En soustrayant ce dark aux photos, on se débarrasse des pixels chaud.
En pratique, les reflexs peuvent offrir un mécanisme automatique de gestion des pixels chauds. Sur mon 50D par exemple on trouve ça dans les options avancées. Après une photo, le boitier prend un dark de la même durée que la photo et  le soustrait à la photo réelle. Si le boitier ne possède pas ce genre d'option, il est possible de le faire via des logiciels spécialisés dans la photo de nuit mais je ne l'ai pas pratiqué. Le logiciel Iris doit pouvoir le faire sur des RAW.

Voici un exemple d'un couple de photos pris sans et avec la "réduction de bruit expo longue" ... autrement dit avec et sans les pixels chauds.



La réduction de la résolution peut masquer ou atténuer les pixels chauds mais ici il en reste plusieurs de visibles. Ils ont été automatiquement traités sur la seconde photo.

4 commentaires:

MichaelGirerd a dit…

Coucou,

Alors j'ai lu ton article et je le trouve très bien! (même si certains trucs me demande de cogiter un peu pour comprendre...) plusieurs questions bien sur...T'es pas obligé de mettre mon post en ligne si tu veux pas.

1. Tu parles de niveau de luminosité, c'est ce que les bouquins appèlent l'exposition?

2. Tu dis que toutes les 3 valeurs, la quantité de lunière double (2x plus d'ouverture, 2x plus de tps, 2 fois plus d'iso..) les valeurs selectionnables sur l'appareil sont donc lineaires (le temps je l'imagine bien mais le reste je vois pas trop...)

3. Il y a vraiment une influence de l'ouverture sur le piqué? (oula question naïve)

4. tu dis qu'a f8 ton objectif est le meilleur, c'est vrai que tu m'avais parlé de ça et ça m'est sorti de la tête, sur quel site deja je trouve le test de mes objectifs?

La troisième photo en partant de la fin est juste superbe (je l'adore vraiment) comment tu sais que c'est la bonne expo ? j'ai compris que tu te mettais à fond sur les iso, à fond sur l'ouverture, mais, est ce que tu fait un petit braketing rapide ou c'est l'experience qui tu dicte ça?

En tous cas continue comme ça, ton site est vraiment cool (j'en parle à tout le monde!) et tes paysages sont pret à partir sur benelux!

à bientôt j'espère!

Xavier V a dit…

L'exposition c'est pareil que le niveau de luminosité : c'est la clarté de la photo.

Toutes les 3 valeurs, la quantité de lumière double. Quand on double le temps depose ça va de soit. Quand on multiplie les ISO, on multiplie la sensibilité du capteur par deux donc la aussi c'est simple. Pour l'ouverture c'est plus compliqué. Pour rester simple, l'ouverture c'est une aire, c'est la taille du trou ouvert par le diaphragme. Donc comme une aire est une surface il y a une histoire de 'carré'. Si tu multiplie ton ouverture par racine de deux, l'aire va etre multipliée par deux ! Si tu multiplie l'ouverture par deux, la lumiere est multipliée par quatre ! Attention au fait que l'ouverture est exprimée en F/8 c'est a dire que c'est une fraction. C'est pour ca que plus la valeur est grande plus l'ouverture du diaphragme est petite. J'espère que tu m'as compris ...

Je répondrai aux autres questions plus tard et mettrai à jour l'article en conséquence !

A Plus !

Xavier V a dit…

Tes points 3 et 4 se rejoignent : quels sont les paramètres pour lesquels ton objectif donne le meilleur de lui-même.

A ce question je dirai que le mieux est de tester ! Tu colles on reflex sur le trépied comme ça le cadrage reste le même. Tu te mets en manuel à 100 ISO (pour que les ISO ne troublent pas les résultats) et tu testes différentes ouvertures. J'ai lu plusieurs avis sur ce sujet, mais en général l'ouverture où le piqué et le meilleur est aux alentours de f/8. Je ne connais pas les raisons de pourquoi un grande ouverture donne un moins bon piqué mais par contre pour une forte fermeture il y a la diffraction de la lumière sur les bords du diaphragme qui entre en jeu.

Le site auquel je pensais est dpreview mais en regardant il n'y a pas beaucoup d'objectifs testés... donc peut être que j'ai oublié le bon site.

Pour ta question finale : comment je sais que c'est la bonne expo ?
C'est celle qui me plait le plus :) Il n'y a pas de bonne ou mauvaise expo, c'est le photographe qui choisit quelle luminosité il veut. Une fois que tu as obtenu la luminosité qui te plait tu joues avec les paramètres comme expliqué dans l'article et ça conserve ta luminosité. Pour trouver la bonne luminosité au début avec ISO a fond et pleine ouverture, c'est au pif ! Pour les étoiles 5 secondes est un bon point de départ, pour un paysage sans lampadaires il faut tâtonner.

MichaelGirerd a dit…

Encore une question naïve...

Quand tu dis que tu prends une photos à l'exposition désirée et pis qu'ensuite tu descends les reglages jusqu'à l'optimal..

Comment sais tu que l'exposition de ta photo est la bonne ("pas trop claire, pas trop foncée" tu te base sur le visu du LCD ou sur l'histogramme?)

Autre question qui n'a rien à voir..heu de nuit j'ai compris que tu dois faire sans la mesure de la lumière de l'appareil, mais dans d'autres photos paysage, animalier, portraits est-ce un parametre que tu modifie et comment (Evaluative, Sélective, Pondérée centrale...)

voila j'arrête! maintenant